EN Tunisie, l’actualité ne tourne pas au ralenti. On y carbure à pleins gaz au rythme d’évènements et d’incidents les uns plus déprimants que les autres. On broie du noir dès le lever du soleil et quand la nuit tombe, on dort inquiets. Et si on est un peu rassurés, c’est qu’un couvre-feu a été décrété. Il n’empêche qu’on a peur de se réveiller le matin et découvrir un nouveau lot de mauvaises surprises qui nous attendent. Des morts chaque jour, des êtres chers nous quittent à cause d’un système sanitaire défaillant malgré le courage des blouses blanches et des victimes en première ligne que l’Etat n’a pas su protéger. On manque de tout : respirateurs, oxygène, lits de réanimation et même de vaccin contre la grippe saisonnière qu’on a importé et que nous ne sommes pas en mesure de distribuer.
Et pour cause, les espoirs fondés sur la réussite de la transition démocratique, le succès des élections et la stabilité des institutions politiques se sont vite dissipés. Du coup, les promesses d’une reprise économique et de la stabilité sociale ont vite volé en éclats, et les grèves et les revendications fusent de partout. Il ne manquait plus qu’une pandémie féroce pour mettre à nu une réalité qu’on refuse d’admettre. Celle de l’échec. Echec du modèle de développement, échec à contrer le fléau terroriste, celui de la contrebande et à avouer qu’on est faible face à l’appétit immodéré des oligarchies financières. Le lit de la pauvreté s’élargit de plus en plus, celui de l’extrémisme aussi. Notre image de Tunisiens colle de plus en plus à celle de criminels sans pitié.
C’est que l’année 2020 a connu son lot d’incertitudes, d’événements et de rebondissements et les remous qui s’ensuivirent presque dans tous les secteurs d’activité. On gardera en mémoire la notable érosion du pouvoir d’achat du consommateur tunisien, creusant davantage le lit des disparités pour étaler la pauvreté à 21% de la population. Ce sont aussi 3.600 emplois qui disparaissent chaque fois qu’un attentat terroriste nous frappe, comme ce fut le cas pour les derniers actes terroristes.
Sur le plan des finances, l’affaire de la BFT, d’El Kamour et l’arrêt de la production de phosphate ont jeté un pavé dans la mare. Et même les sirènes de la joie déployées à tue-tête dans le secteur du tourisme se sont tues après la faillite de Thomas Cook et l’ardoise que vont traîner comme un boulet certains hôteliers et le risque de fermeture de plusieurs établissements touristiques à cause du Covid-19. Enfin, la « bonne santé » du dinar n’a pas revigoré l’économie nationale même avec la chute des prix du baril de pétrole.
Et puis, la grande claque sur le plan politique avec une instabilité au sommet de l’Etat. Mais pour corser davantage l’atmosphère de ce film d’épouvante qui fait fuir le sommeil, voilà que les juges affrontent les avocats dans un duel sans fin, qu’on tire sur les journalistes et les médias. On en est à la fin de l’année et l’on scrute l’horizon 2021 qui n’a rien de réjouissant. Force est de reconnaître que le seul mérite pour cette année est que la Tunisie bouge dans le mauvais sens. Que peut-on dire pour ceux qui ne veulent pas d’une Tunisie immobile ? Voilà, elle tourne ! Certes, les vieux clivages sont si difficiles à dépasser et que la seule chose dont on peut se prévaloir avoir en commun est que tout nous sépare !